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Mois : janvier 2022

Le capitaine

  • Hein ?! Tu ne connais pas le fameux capitaine de ce navire ? s’exclama une jeune femme fine, à la peau mate et façonnée par des années d’exposition à l’iode et au soleil.

Le jeune homme devant elle la dévisagea longuement avant de lâcher :

  • Ben… non.

Ce fut à son tour à elle, de le dévisager longuement, sans cligner des yeux. Incrédule, elle tourna la tête lentement vers les pirates derrières elle, dont l’un d’entre eux leva les épaules.

  • Tu cherches à me faire croire que tu ne connais pas le grand capitaine de ce bateau, celui qui a réussi à naviguer au-delà des mers anguleuses, sombrement célèbres pour leurs cimetières de bateaux ; aussi connu pour avoir occis un terrifiant kraken et qui a réussi à en ramener un en vie au près des observatoires des royaumes des sœurs ; celui-là même, dit-elle triomphalement en levant un doigt en l’air, qui a défait le terrifiant Edgar O’Doll, dit le « faiseur de poupées », régnant sur l’équipage des chiffonnés, composé de plus de 7 000 pirates sanguinaires !

Le jeune matelot remarqua derrière la jeune femme, un pirate massif, à la moustache longue et fournie, secouer l’une de ses mains en s’épongeant le front du dos de l’autre.

  • … Celui qui a placé sous son contrôle plusieurs terres comme l’ile du croc-de-loup, l’ile du géant borgne, celle du palmier, offrant plus de ressources naturelles qu’on ne peut en rêver…
  • Oh, moi ! Jacquotte ! Moi, moi ! Je sais ! beugla bêtement un pirate plus petit que Jacquotte.
  •  Quoi !? Cria-t-elle avec colère en se retournant vers celui qui avait eu l’outrecuidance de la couper.
  • Ben, on a aussi… Un lieu d’une grande importance dans la piraterie. Un lieu presque sacré, même si je sais pas c’que ça veut dire, capital même. On s’est beaucoup battus pour l’avoir et c’est avec honneur qu’on peut dire que cet endroit est à nous.

D’autres pirates hochèrent gravement la tête, alors que l’un d’entre eux pleurait, sans que le matelot puisse dire si c’était là des larmes de douleur ou de joie.

  • La taverne du chat qui ronfle est à nous, conclut le pirate, la main sur le cœur.

Jacquotte ferma les yeux et se massa le sommet du nez du pouce et de l’index.

  • … La taverne du chat qui ronfle nous appartient également, soit… Plus important, il a su retrouver le trésor de Maggy l’introuvable, Il combattit les morts lorsque les trois crânes des fiers forbans furent réunis, un beau bazar qui aurait pu être évité si certains capitaines cupides avaient écouté les conseils qui leurs sont donnés…
  • Désolé de vous interrompre, mais je ne connais pas votre capitaine, bien que j’ai entendu parler de ces évènements, oui.  
  • Tu persistes donc à vouloir me faire croire que tu ne connais pas le seul, l’unique capitaine Paposs Ible ? Je ne te crois pas, c’est impossible !
  • C’est Paposs Ible, Jacquotte, la corrigea le petit pirate, pas capitaine Impossible.
  • Ferme-là, triple buse !
  • En soit, que je le connaisse ou non, le résultat est le même, non ?

Jacquotte le regarda de nouveau, ne sachant quoi dire.

  • C’est vrai, tu n’as pas tort.

D’un coup de spartiate dans le torse, elle l’envoya rejoindre les flots tumultueux qui se trouvaient plus bas, d’où de grandes gueules ouvertes l’attrapèrent.

  • Bon les garçons, c’est l’heure de manger, non ?
  • Ouais ! A table !

Et tous partirent récupérer de quoi manger, avant de s’installer tranquillement pour le dévorer.

Bestiaire : Le dragon des marais

De toutes les créatures qu’il m’ait été donné de voir et d’étudier, je dois dire que la plus perfide et cruelle de toutes est le dragon des marais. Comme leur nom l’indique, on ne les trouve que dans les régions marécageuses, mais ils ne s’agissent pas vraiment de dragons. Comment faire pour les trouver et les identifier si le nom qui leur est donné n’est pas le bon !? s’était exclamé mon ami Emmett. Et je ne peux que lui donner raison ! Il s’agit en réalité de dragons serpents. Ces créatures, dont les plus longues peuvent atteindre jusqu’à une cinquantaine de mètres, passent la majeure partie de leur temps à nager dans les eaux vaseuses des marais. Dans de rares cas, ils sont pourvus de pattes leur permettant de s’accrocher aux rochers ou troncs d’arbres qui jonchent son environnement. Il est d’autant plus rare, et je pèse mes mots, de les voir arborant des appendices utiles au vol, à savoir, des ailes. Mais de ma longue carrière à étudier des créatures de toute taille, je n’en ai jamais vu pourvus de ces appendices.

« C’est une chance ! », clameraient des collègues, pour qui cette capacité à voler serait un don du malin en personne. En effet, il faut connaître les armes en leur possession pour chasser, pour savoir que voler en ferait des créatures de destruction massive. Comme les dragons, ils sont capables de cracher, et c’est ici que le problème devient ingénieusement épineux. Leurs crachats, puisqu’ils sont de types différents, peuvent être de gaz mortel ou d’acide. Vous en conviendrez que c’est un sacré problème ! Fichtre ! Des créatures volantes capables de cracher du gaz provoquant le décès, au-dessus de leurs zones de chasse… Cela revient à imaginer un engin volant, qui serait capable de tuer tout ce qui se trouve dans une zone se trouvant en-dessous, et pouvant s’étaler sur plus de cent mètres de long, lorsque le vent souffle un peu ! Nous sommes vraiment chanceux qu’ils ne sachent pas voler… Oh oui ! À ce jour, je n’ai eu connaissance que d’un seul cas enregistré, dans les archives de la coquette bourgade de Nechilly. Cette dernière abrite une énorme collection de récits draconiques, que je vous recommande chaudement. Mais ce n’est pas le sujet. Parmi ces ouvrages, vous trouverez le journal d’une malheureuse ayant suivi un de ces dragons des marais volants. Son intérêt s’est éveillé peu après l’anéantissement d’un petit village juste à côté du sien, qu’elle ne cite pas. C’est une situation que je comprends. L’inconnu attire autant qu’il effraie, et c’est la raison qui pousse de nombreuses personnes à agir dans la précipitation, voir la panique !

La jeune femme avait alors décidé de suivre la créature dans son élan de carnage. La tâche n’était pas très compliquée, il suffisait de suivre la route de destruction et de morts qu’elle essaimait. Ce qui devenait plus compliqué, c’était de la localiser précisément, sans s’approcher de trop près, au risque de faire à son tour partie des victimes de la faucheuse aux écailles. Afin de couper court aux spéculations, c’est malheureusement ce qui lui arriva. Cela est ce que je pense, ces notes s’interrompant juste après avoir noté qu’elle n’avait plus de nouvelles informations sur le dragon. Elle avait rejoint la très réduite cité de Belinfruit, petite ville côtière asphyxiée par une attaque du dragon. Pendant plus d’une semaine, elle avait pris de nombreuses notes sur les victimes encore présentes, les dégâts provoqués en ville et alentour. Dans la précipitation, ce qui est une erreur, elle a commencé à remuer un peu plus la zone, ne voyant pas la cible de ses recherches se montrer. Son raisonnement était assez correct, ces grandes bêtes se remettant en route environ une semaine après être repues de destruction.

Il ne faut surtout pas chercher à voir un dragon des marais, jamais. Les bébêtes habitant les marais les évitent toutes, bien au courant de la dangerosité que ces dragons représentent. Ils sont capables de se fondre totalement dans le décor, se recouvrant des algues ou de toute autres plantes parvenant à vivre, ou survire dans ces zones hostiles que sont les marais. Ils arrivent ainsi à se faire passer pour un rocher ou un tronc, ou encore à se cacher sous de jolis nénuphars, maisons de nombreux batraciens, comme les rainettes blanches, ou oiseaux, comme les hulottes à houppes cendrées.

Les récits de notre aventurière s’arrêtent soudainement, après avoir repéré ce qui aurait dû lui mettre la puce à l’oreille : un tronc semblant se déplacer. Elle ne devait clairement pas connaître les talents de camouflage de notre énorme reptile, sinon elle aurait pris ses jambes à son cou ! Cette capacité à se camoufler est son arme principale lors de la chasse. Associée avec sa grande aptitude à se déplacer en silence, cela en fait un assassin hors pair. Généralement, une fois sa proie localisée, il se déguise et se déplace pour entourer son pauvre repas, qui a bien souvent la chance de ne pas savoir ce qui lui arrive. Mais lorsque le plat comprend ce qu’il se passe, quelque chose rend le dragon serpent cruel. Pour s’assurer de ne pas perdre sa proie, il va discrètement cracher des nuages de gaz odorant, dont l’objectif est de la diriger là où il le souhaite. Au final, la malheureuse se retrouve dans un nuage de gaz dont elle ne peut s’évader et meurt asphyxiée. Dans le cas où notre dragon des marais crache de l’acide ou du venin, les attaques sont bien plus rapides, à la manière d’un serpent. C’est bien là la raison pour laquelle ils sont appelés “dragon serpent”.

Pour finir, je dirais que la seule et unique fois où j’ai rencontré un de ces monstres, je n’ai eu la vie sauve que grâce à la triste gentillesse d’une génisse éléphante qui passait par là, repas beaucoup plus intéressant qu’un humain. J’en ai profité pour me faufiler hors d’atteinte de ses mâchoires et son acide avant qu’il n’ait fini d’engloutir la pauvre bête.  

Je trouve ces monstres absolument fantastiques, et fascinants. À l’instar des serpents, ils ont réussi à tirer profit de leur corps et à en faire une arme d’une puissance destructrice. Qu’ils frappent violemment leurs victimes de leurs crocs ou les asphyxient, ils ne les ratent que rarement. Associés à leur aisance dans le domaine du camouflage, leur survivre est une chose qui relève de l’impossible, mais qui se faire lorsque le destin vous y aide.

Le loup et la lune

Pour information, avant de commencer votre lecture, sachez que les personnages sont inspirés du travail de Chiara Bautista (https://www.facebook.com/chiarabautistaartwork) que je vous invite à aller voir. J’aime bien son travail, que ce soit son style ou la poésie qu’elle y véhicule.
Sachez également que le nom du loup s’inspire directement du nom de l’étoile la plus brillante de la petite ours, étant une étoile double (je ne le donne pas, histoire de ne pas le spoiler).

Au milieu du petit bosquet, dormait paisiblement un petit plan d’eau, de la taille d’une mare qui aurait oublié de grandir. Tout autour, de grands arbres aux feuilles d’un vert profond, montaient la garde pour s’assurer que rien ni personne ne vienne troubler la quiétude du lieu. Le vent soufflait en une agréable brise, ébouriffant l’herbe qui habillait la légère pente qui menait à la mare. Un grillon offrait une jolie mélodie à la scène, souhaitant accompagner le souffle du vent.

Soudainement, le chanteur se tut, laissant un silence léger se déposer sur la petite cuve. Entre deux arbres, qui s’ils avaient été observés de près, on aurait pu les voir rougir, une jeune femme nue se pencha pour observer la mare et ses alentours. Après s’être assurée que la voie était libre, elle s’avança vers l’eau. Ses pas laissaient voleter de petites billes lumineuses, telles des lucioles, venant former progressivement de nombreux petits animaux qui se mirent à jouer entre eux. Sa peau d’une pâleur faisant bouillir de jalousie la lune, reflétait les rayons de la jalouse pleine ; ses longs cheveux, épais comme ses bras fins, flirtaient avec ses chevilles à mesure qu’elle s’approchait de l’eau. Arrivant à son bord, elle la goûta timidement de son pied et réprima une grimace, avant d’y entrer. Elle poussa un soupir de plaisir alors que l’eau fraîche venait l’embrasser et elle bascula sur le dos, se laissant flotter, les yeux fermés. Le vent soufflait toujours tranquillement, accomplissant la tâche qui lui était confiée, ébouriffant l’herbe et les arbres. Elle plongea la tête sous l’eau, appréciant la fraîche caresse sur son visage, agréable en ce milieu d’été.

Alors qu’elle s’amusait à laisser courir des gouttes le long d’un de ses bras, un bruit attira son attention parmi les arbres censés protéger la cuve. Là, deux sphères lumineuses, fendues en leur centre et d’un jaune ambré, l’observaient. Tout autour, les animaux lumineux qu’elle avait créés en marchant avaient stoppé leur jeu, fixant avec inquiétude les yeux perdus dans l’obscurité. Elle ne ressentit pas de peur, mais plus de la curiosité, se répandant progressivement dans tout son corps, de celle qui vous donne envie de rencontrer une nouvelle personne, vous poussant à faire le premier pas.

– Hey, n’ai pas peur, dit-elle gaiement à destination du propriétaire des yeux, je ne vais pas te manger.

Sans répondre, ils avancèrent lentement vers elle, le regard toujours ancré sur elle. Les rayons sélénites vinrent baigner une énorme patte noire, précédant de peu le grand loup à qui elle appartenait. Son poil d’un noir profond, brillant étrangement sous la lune, le couvrait intégralement, à l’exception d’une tache blanche au niveau du poitrail dont la forme rappelait à s’y méprendre une étoile.

– Tu n’as pas peur de moi ? s’enquit d’une voix grave et posée le loup.

– Non, je devrais ? Lui demanda à son tour la jeune femme.

– Je ne saurais te dire si tu le dois ou non, admit-il après un court instant, mais tout le monde me fuit, sans que je ne sache pour quelle raison.

– C’est triste ! Viens me voir, je ne te ferais pas de mal, n’y aurais peur de toi, je te le promets !

En silence, d’un pas souple, le canidé s’approcha de la mare avant de s’asseoir à son bord, le regard toujours posé sur la jeune femme.      

– Au fait, pourquoi es-tu là ? Lui demanda-t-elle, innocemment. Je viens régulièrement ici, et c’est la première fois que je te vois. Une fois par mois, et parfois deux, mais c’est lorsque j’ai vraiment envie de venir, pour être honnête.

– Je suis toujours ici, mais en général, je ne me montre pas. Que ce soit ici ou ailleurs, je préfère rester caché, appréciant d’avantage la douceur de la solitude que l’agitation de l’accompagnement.

– C’est bizarre, je pensais que les loups vivaient en meutes… Et pourquoi ne veux-tu pas que les gens te voient ? Tu n’as pas l’air méchant.

– Je suis différent des autres loups, n’en étant pas vraiment un, mais j’apprécie en prendre les traits. Et toi, que fais-tu ici ? Demanda timidement le loup, la tête inclinée sur le côté.

– J’adore cette cuvette, dit-elle en la désignant d’un geste. L’eau y est toujours à la température idéale, les arbres me permettent de me soustraire à la vue de tous, et j’ai toujours la compagnie de ces petites créatures, toutes plus mignonnes les unes que les autres. Et la lune l’éclaire à chaque fois d’une pale lumière, permettant de voir convenablement. Tu n’as pas répondu à ma question, j’imagine que ce n’est pas un sujet que tu souhaites aborder. Je comprends, certaines choses ne sont pas simples.

Le loup porta son attention sur les créatures que la jeune femme avait présenté un instant plus tôt. Il s’agissait de petits animaux, comme des lapins, des fouines, des écureuils, des pinsons, entièrement constitués d’une matière fluorescente, les faisant briller dans la faible lumière de la pleine lune.

– Ce n’est pas vraiment que je ne souhaite pas être vu, je dirais que je préfère la compagnie de la solitude à celle de mes congénères ou des autres espèces. Beaucoup sont ceux qui exècrent la solitude alors qu’elle est une partenaire de choix. Elle sait être une oreille digne d’écoute et de confiance en cas de besoin, mais elle ne vous répondra jamais. Elle ne vous jugera pas ou n’émettra pas de critique, mais elle vous laissera avec vos pensées. Enfin, elle ne ment pas, ce qui à mon avis est la raison pour laquelle elle n’est pas appréciée.

– Tu as l’air de bien la connaître, et je t’avoue que je n’avais pas vu les choses ainsi. Je n’aime pas être seule, et c’est probablement pour cela que je recherche la compagnie de ces créatures. Même si elles ne parlent pas, les savoir auprès de moi me rassure. Et, lorsque je suis là-haut, dit-elle en pointant la lune du doigt, je ne suis jamais seule, je peux compter sur la présence de milliard d’étoiles.

Le silence les rejoignit alors qu’ils laissèrent leurs pensées s’envoler vers les étoiles, infinité de points lumineux sur une infinité bien plus grande d’obscurité totale. Absorbés par la contemplation, ils laissèrent le temps passer, à profiter simplement.

– Tu sais, Loup, ces moments de calme, je les affectionne plus que tout. Ils me font penser à la solitude dont tu parlais avec tant de passion.

– Oui, il est tout à fait juste de les comparer. Ils nous permettent d’être avec la personne qui devrait compter le plus pour nous, nous même.

Sur ces mots, la jeune femme se leva souplement, l’eau lui arrivant à la taille, glissant son regard dans celui du loup.

– Loup, Je suis désolée, mais le soleil va se lever, alors je souhaite savoir, est-il possible que la prochaine fois que je viendrais ici, nous nous revoyions ? J’ai apprécié passer du temps avec toi, alors j’aimerai recommencer.

– Bien sûr, répondit-il simplement. Je suis ici bien souvent, alors si je t’apperçois, je m’annoncerai.

– Avant de partir, Loup, veux-tu bien me donner ton nom ?

De nouveau, il l’observa un moment en silence, avant de répondre.

– De ce que j’ai entendu, les rares personnes à m’avoir donné un nom m’ont nommé Sirius. Tu peux continuer à m’appeler Loup, ou choisir ce nom, cela n’a pas d’importance pour moi.

– Merci pour ta réponse Sirius, je préfère t’appeler par ton nom, plutôt que d’utiliser le nom de ton espèce. Tu es unique pour moi, alors j’aimerai que le nom que tu portes reflète cette unicité.

– Merci pour ce compliment, répondit Sirius modestement, touché. Et toi, comment dois-je t’appeler ? – Je suis la Lune, alors appelle-moi Lune, simplement.